A l’heure de la télévision haute définition et en 3D on en oublierait presque le chemin parcouru par notre médium avant d’en arriver là. Et c’est notamment la couleur qui révolutionna le petit écran il y a de cela 45 ans…
Tout comme le cinéma c’est par le noir et blanc que la télévision commença son aventure. En 1954 date de l’arrivée des premiers téléviseurs couleurs aux Etats-Unis, la France n’avait qu’une seule chaîne de télévision qui émettait ses programmes en 819 lignes. Pour se faire une idée de ce que cela représentait à l’époque on peut dire que c’était l’équivalent de notre haute définition actuelle.
L’arrivée de la couleur ne devait pas se faire au détriment des possesseurs de postes en noir et blanc. C’est-à-dire que les programmes émis en couleurs devaient être reçus même si l’appareil ne pouvait donc retransmettre les couleurs.
Il y eut trois normes pour la couleur à la télévision. Le NTSC mis au point par les américains et utilisé donc en grande partie aux Etats-Unis. Le PAL élaboré en Allemagne et exploité en Europe. Enfin le SECAM (Séquentiel Couleur A Mémoire) qui est originaire de France. Son concepteur Henri de France, est un des pionniers techniques de la télévision française (il avait notamment mis au point le système de diffusion à 819 lignes). Le SECAM fut choisi pour ses qualités de rendu par rapport aux autres normes. La France opte donc pour une voix à part. Toutefois la couleur ne pouvait arriver sur un réseau de 819 lignes beaucoup trop gourmand pour ce type de mise en place, par ailleurs la plupart des pays européens avaient adopté le 625 lignes. Afin de favoriser cet échange et dans l’optique de la mise en place de la couleur, la deuxième chaîne de télévision fut inaugurée le 18 avril 1964 sur un réseau de 625 lignes.
Durant les 3 années qui sépareront cette création avec l’arrivée officielle de la couleur ce fut le branle-bas de combat au sein de l’ORTF (Office de radiodiffusion-télévision française).
De nombreuses conférences et démonstrations eurent lieux dans les différentes stations régionales de l’office afin de préparer cette révolution télévisuelle. Pour parfaire la chose l’ORTF mis en place des formations à destination des radio-électriciens chargés d’installer les futurs récepteurs chez les particuliers.
Ce sont de charmantes niçoises qui feront office de mire pour régler les télévisions en couleurs, les fleurs du chapeau faisant office de repère. Déjà la télévision française savait aguicher son public mais en tout bien tout honneur (après tout nous étions encore à la période de la bien élevée ORTF).
La date choisie fut le dimanche 1er octobre 1967 à 14h15. On imagine une transition du noir et blanc vers la couleur de manière festive et pétillante. Il n’en sera rien.
Le ton fut très solennel à l’image de la télévision d’alors pour ce genre d’événement. Depuis le studio 13 des Buttes-Chaumont, Georges Gorce, Ministre de l’Information (une autre particularité de cette période) prends alors la parole :
« Et voici la couleur. Au jour fixé et à l’heure dite… ».
Autour de lui se trouvent Jacques Bernard Dupont, le Directeur général de l’ORTF, Claude Mercier, le Directeur de l’équipement et Emile Biasini, Directeur de la télévision. Et oui il n’y avait que des personnalités officielles. Aucun journaliste et aucun animateur. Le passage à la couleur est notable avec…son absence de couleurs justement. Les protagonistes était habillés en gris dans un décor des plus sinistres. On est loin bien loin de l’explosion de couleurs qui caractérisera ensuite les années 70.
Les Nuls dans leur « Histoire(s) de la télévision » ont d’ailleurs fait un très beau clin d’oeil à cette drôle de transition dans un sketch où le passage à la couleur se fait au cour d’une partie d’échec.
En attendant la deuxième chaîne devient officiellement deuxième chaîne couleur et la première chaîne reste en noir et blanc. Seuls 1 500 foyers possèdent alors la télévision couleur.
La Niçoise laisse place à une mire qui préfigure ce que seront les mires télévisuelles par la suite pour régler la couleur et le contraste des postes de télévision.
©ORTF/DR
Fin 1972, une troisième chaîne est mise en place : C3 avec comme leitmotiv : la couleur. Cette fois on commence à voir des images qui souhaitent mettre en avant cette particularité jusque dans le logo de la chaîne qui foisonne de couleurs.
En 1975 l’ORTF éclate. La première chaîne devenue TF1 reste en noir et blanc du fait de son réseau en 819 lignes. Toutefois l’arrivée de la couleur sur la chaîne se fera à compter de 1976 et pour l’occasion TF1 revoit son ouverture antenne qui fera date.
©TF1/DR
L’ancienne 3ème chaîne devenue FR3 n’émet qu’en soirée. Le reste de la journée elle laisse son canal aux émissions couleurs de TF1.
Le réglage de la télévision se faite dorénavant avec la mire TDF (Télédiffusion de France) adoptée par l’ensemble des chaînes de télévision. Outre qu’elle permettait de régler la couleur, il s’agissait aussi d’un logo en guise d’attente d’ouverture des programmes (les chaînes n’émettait pas 24h/24).
Si l’arrivée de la couleur en 1967 fut sobre, les années 70 exploseront jusqu’à l’overdose des coloris (en même temps que le nombre de foyers ayant un poste couleur augmentera). On pourra repenser notamment à l’emblématique générique du journal télévisé de TF1.
Pour cette chaîne la transition sera complétée fin 1983 avec l’abandon définitif du réseau 819 lignes. Le canal étant par la suite utilisé pour la création de Canal +.Aujourd’hui la norme SECAM a disparu de nos télévisions avec l’arrivée du numérique.
Pour reprendre le ministre de l’information de 1967, si aujourd’hui il nous apparaît naturel de voir la vie avec ses couleurs envahir nos écrans il ne faut pas oublier quel fut l’incroyable parcours pour en arriver-là.