L’éclatement de l’ORTF

Logo de l'ORTF Le paysage audiovisuel actuel est composé de chaînes privées et publiques pourtant il fut une époque où les chaîne de télévision appartenait pleinement à l’Etat et étaient réunies eu sein d’un même organisme : l’ORTF (Office de Radiodiffusion-Télévision Française). Cette entité vécu pendant près de 10 ans jusqu’à son éclatement le 1er janvier 1975…
Pour comprendre ce qui a amené l éclatement de l’ORTF et donc la fin de l’Office, il faut tout d’abord analyser quelle est la situation d’alors. Au sein de l’office se trouvent regroupées la production, la gestion des émetteurs, la radio et les 3 chaînes de télévision.Georges Pompidou président de la République Française depuis 1969 considère que l’ORTF est « la voix de la France ». Il faut comprendre ainsi que le gouvernement a tout pouvoir pour éventuellement censurer la diffusion des informations au sein de l’office. Le meilleur exemple peut être trouvé à travers le Ministre de l’Information qui peut-être considéré comme le tuteur de l’ORTF.
Arthur Conte fera les frais d’une prise de distance trop marquée avec le gouvernement ce qui poussera à sa démission le 23 octobre 1973. Il considérait en effet que le pouvoir « exerçait des pressions inadmissibles sur les journalistes de la radio et de la télévision. ».
Il sera remplacé ensuite par Marceau Long qui jouera un rôle capital dans l’évolution et la fin de l’ORTF. Au moment de sa nomination, la télévision apparaît comme un médium muselé toutefois le nouveau PDG laisse entrevoir un nouveau statut que pourrait adopter l’office. Marceau Long souhaite pousser un peu plus loin la décentralisation opérée par la troisième chaîne, un an plus tôt, et qu’elle soit étendue à l’ensemble de l’office.
Ce sera le plan Marceau Long adopté le 27 février 1974 en conseil des Ministres consistant à décentraliser l’ORTF. Il s’agissait concrètement d’avoir des chaines de télévisions, des radios et une unité de productions autonomes mais où subsiste un pouvoir central coordonnant le tout. Le but est de garantir une meilleure gestion en spécialisant chaque structure. Pour reprendre le PDG de l’époque il s’agira d’un « Monopole public pluraliste ».
Les syndicats ne sont pas convaincus comme en témoigne le numéro spécial des Dossiers de l’écran « L’ORTF face à son public » du 12 mars 1974 où chaque partie campe sur ses positions en tentant d’expliquer aux téléspectateurs en quoi consiste l’ORTF et son évolution envisagée. L’une des craintes évoquées est que cette décentralisation amène une politique d’économie et des licenciements. Des grèves perturbent ainsi le fonctionnement de l’office et ce jusqu’à la fin de l’année 1974.
Entre temps Georges Pompidou décède durant son mandat et une nouvelle élection présidentielle a lieu portant au pouvoir Valéry Giscard D’Estaing le 19 mai 1974. Ce dernier hérite d’une télévision en transition et à la situation explosive. Par ailleurs déjà à l’époque se profilait un courant idéologique sur l’arrivée de chaînes privées. Pour le moment il est encore bien trop tôt pour admettre que la télévision puisse couper le cordon ombilical avec le pouvoir mais en même temps l’ORTF a vécu et il est temps de lui donner un nouveau visage.

©ORTF/DR

Au mois de juillet 1974 le gouvernement opte pour une solution intermédiaire qui néanmoins va bien plus loin que le plan élaboré par Marceau Long. Ce n’est donc plus une décentralisation mais un éclatement avec une indépendance entre les différentes structures qui composent l’ORTF. Le 7 août 1974 la loi mettant fin à l’office est votée. Concrètement il n’y aura plus un organisme mais plusieurs sociétés indépendantes. Même si l’Etat reste l’actionnaire unique, il s’agit de créer une concurrence (on parlait alors d’ »émulation ») notamment entre les futures chaînes. Il s’agit également de préparer le terrain pour d’éventuelles privatisations dans l’avenir. On le sait pour mieux privatiser une entité publique il faut procéder à son découpage (ce sera le cas dans d’autres domaines des PTT, de l’électricité et du gaz…).
Pour le moment il est nécessaire de faire la transition. Elle se fera en plusieurs étapes. L’ORTF cesse officiellement d’exister le 31 décembre 1974 à minuit. Plusieurs sociétés naîtront issus du morcellement de l’Office. Radio France reprends les différentes stations nationales de Radio. La SFP (Société Française de Production) hérite quant à elle des moyens de production de l’ORTF. TDF (Télédiffusion de France) a la responsabilité des différents émetteurs. L’INA (Institut National de l’Audiovisuel) est chargée de la gestion du patrimoine audiovisuel.

Pour la télévision les 3 chaînes sont donc indépendantes les unes des autres (mais pas de l’Etat). Ainsi naissent TF1 (Télévision Française 1), Antenne 2 et FR3 (France Régions 3).

Entre le 31 décembre 1974 et le 6 janvier 1975 les différentes équipes de l’ORTF assurent l’intérim notamment au niveau des différents programmes et de l’information. Pour leur dernier bulletin d’information l’équipe du journal de la première chaîne « 24 heures à la une » rappelle à leur public quelle fut la force de l’ORTF et ce qui a été accompli en matière télévisuelle en guise d’aurevoir.
Ce n’est donc que le 6 janvier que démarrent véritablement les nouveaux programmes. TF1 et Antenne 2 optent  chacune pour une grande émission inaugurale montrant ce que seront dorénavant les deux canaux et leurs spécificités. FR3, quant à elle, continue à voguer sur le sillon de la 3ème chaîne couleur, en récupérant l’ensemble des stations régionales et outre-mers.
On assiste à un jeu de chaises musicales (ainsi une grande partie de la 3ème chaîne se retrouve sur TF1) et certains programmes traversent cette transition sans difficulté (comme Le Grand Echiquier de Jacques Chancel).

Le dernier soubresaut de l’éclatement de l’ORTF aura lieu en 1982 avec la création de RFO (Radio-Télévision Française d’Outremer) et donc d’une entité bien à part d’FR3 qui s’occupait jusque-là des différentes stations outre-mer issues de l’ORTF. Concernant le découpage de l’Office il y aura bien eu des privatisations : TDF, la SFP mais surtout la première chaîne de télévision : TF1.
Avec la montée en puissance des chaînes privées dans les années 1980-90 sera recréé un pôle publique conséquent avec une présidence commune, tout d’abord, aux deux chaines publiques restantes : Antenne 2 et FR3. Puis ce sera la création d’un organisme commun : France télévision. Ce groupe tournera autours des deux chaines devenues France 2 et France 3 puis se rajouteront La Cinquième devenant France 5 et RFO. Aujourd’hui France télévisions regroupe 5 chaines de télévision nationales (France2, France 3, France 4, France 5 et France Ô) et plusieurs chaines locales outremer (sous le sigle 1ère et auparavant RFO).Le sigle ORTF n’aura paradoxalement pas complètement disparu et symboliquement il perdure jusqu’à nos jours avec notamment l’association sportive ORTF qui regroupe les personnels des radios et Chaînes publiques. La boucle est ainsi bouclée.

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