C’était il y a 24 ans sur La Cinq, le grand public découvrait une émission détonante, Babylone, avec à sa tête un animateur aussi énergique que passionné : Numa Roda-Gil ! L’idée était de faire sortir la pop culture de son environnement underground et de montrer que ce n’était pas « pour les crétins » ! Aujourd’hui, l’homme a quitté les plateaux de télévision mais reste très actif dans le domaine à travers ses propres créations artistiques. Pour iletaitunefoislatele.com, Numa Roda-Gil revient sur cette courte mais belle aventure que fut Babylone !
Bonjour, pour les lecteurs d’iletaitunefoislatele.com qui feraient votre connaissance pourriez-vous vous présenter ?
Difficile de se présenter… Numa Roda-Gil, 49ans… J’ai, à la fin des années 80, travaillé sur la production de l’émission « Giga » sur Antenne 2. Puis est arrivé « Babylone » sur feu La Cinq. Apres cette experience télévisuelle, j’ai continué à évoluer dans le millieu de la Pop Culture. Journalisme (Science Fiction mag, Mad Movies…). J’ai ensuite ouvert avec des amis le Comics Shop « ARKHAM » à Paris et créé les premières conventions consacrées à la SF et à la BD americaine. (Collectors Rendez Vous, salle Wagram).
Aujourd’hui, je me consacre exclusivement à la peinture. Mon univers est toujours lié à celui de la Culture Populaire qui reste ma plus grande source d’inspiration. (www.numaroda-gil.com ) J’ai, entre autre, exposé des installations de jouets dans le cadre de la formidable exposition « HEY! Modern Art & Pop Culture Part II » au Musée de la Halle St Pierre. Quels furent vos premiers pas dans les univers de la pop-culture et qu’est ce qui vous a donné l’envie d’en faire votre métier professionnel ?
J’ai eu la chance de grandir dans un univers ou la Culture était très présente. Très jeune, j’ai pu découvrir les comics américains, les classiques du Cinéma Fantastique… Je n’ai pas eu « envie » d’en faire un métier mais les circonstances ont fait que j’ai naturellement évolué dans cette voie.
C’est par l’émission « Babylone » que le grand public a pu faire votre connaissance. Comment est né ce projet ?
Quand La Cinq à changé de mains, j’ai eu l’oportunité de pouvoir proposer le projet « Babylone » à la nouvelle direction des programmes jeunesse. Il n’y avait aucune émission à l’époque qui traitait de ce type de sujets. C’est arrivé au bon moment…
Qu’est ce qui vous a motivé alors pour participer à l’aventure de La Cinq version Hachette ?
Encore une fois, c’etait le moment idéal. J’ai pu proposer le projet à une nouvelle équipe qui recherchait des programmes.
“Babylone » était une émission sur les cultures alternatives diffusée en journée sur une chaîne généraliste : comment arriviez-vous à faire ce grand écart et quel type de public l’émission visait-elle ?
Il n’y avait pas de « grand ecart ». Pour moi, il n’y a pas de « cultures alternative ». La Bd, les mangas, les animés, le Cinéma de genre… Tout cela fait partie de la Culture. A l’époque, il a fallu le prouver aux responsables de la chaîne mais très vite, les retours du public nous ont permis de continuer sans encombres.
De quelle manière conceviez-vous chaque numéro de « Babylone » et de quelle marche de manœuvre disposiez-vous ?
Xavier Couture, directeur des programmes jeunesse de la chaîne, a pris le parti de nous laisser travailler tranquillement. A cette époque, il n’y avait pas de contraintes promotionnelle, personne ne s’intéressait aux choses que je voulais faire découvrir… Donc nous étions libres. Ca se voit à l’image… Malheureusement, ce type de liberté sur une chaîne généraliste ne semble plus exister.
L’un des leitmotiv de l’émission était « Babylone c’est pas pour les crétins ». Comment se retranscrivait ce slogan à l’antenne ?
Ce leitmotiv était au départ une boutade. Une petite provocation qui est vite devenu la marque de l’émission. C’est venu d’une volonté de contre-pied. Terminator, Akira, le Rock’n’Roll… Tout cela était considéré comme des « conneries » par les bien-pensants de l’époque… Nous on l’assumait. Et on le revendiquait à travers ce slogan.
Quel est votre meilleur souvenir d’émission ?
Il y en a beaucoup. La venue d’Elvira reste un des plus grands moments, avec bien sur l’interview de Mark Hammill.
Comment avez-vous appris l’arrêt de « Babylone » et au-delà des difficultés financières de la chaîne, qu’est ce qui explique la fin de cette émission ?
« Babylone » ne s’est pas arrêté. C’est la Cinq qui a fermé. Les difficultés de la Chaîne courraient depuis longtemps. Nous savions que ça ne durerai pas. Ca a renforcé mon envie de montrer le plus de choses au public qui nous suivait. Je savais déjà qu’après la fin de l’émission il n’y aurait plus personne pour diffuser ce type de programmes à une heure de grande écoute.
Les différentes œuvres présentées dans « Babylone » ont depuis quitté les cases jeunesse et underground pour devenir grand public avec parfois des succès critiques. Comment expliquez-vous cette évolution ?
Ce que je disais, avec d’autres, à l’époque est devenu réalité. Ce qui était considéré comme une sous-culture est devenu aujourd’hui la culture dominante. Cela s’explique simplement par la qualité des films, bd, dessins animés, qui sont proposé aujourd’hui.
24 ans après quel regard portez-vous sur cette expérience télévisuelle et que vous aura-t-elle apportée ?
« Babylone » fait simplement partie de mon parcours. Quand on regarde mon travail aujourd’hui on voit la continuité.
Si aujourd’hui on vous proposait une émission type « Babylone » comment appréhenderiez-vous la chose ?
Il ne pourrait plus y avoir d’emission comme « Babylone » aujourd’hui. La Culture dite underground des années 80 est devenue la Culture mainstream. Et Internet est arrivé ! Le public a maintenant facilement acces à tout type de production. A l’epoque de Babylone, il fallait fouiner et on passait des jours à obtenir les images que nous cherchions. Je me souviens avoir passé des heures au téléphone pour réussir à avoir une copie de teaser de T2. Maintenant, il suffit de se connecter et on trouve tout ce que l’on veut en deux ou trois clics. Et c’est tant mieux !
Vous continuez ce voyage culturel à travers vos propres œuvres. Que souhaitez-vous partager et apporter ainsi au public ?
Je cherche avant tout a prendre du plaisir dans ma création. Je travaille donc toujours autour de ce que j’aime. La difference aujourd’hui est peut etre que certains commence à s’apercevoir de la profondeur de toute cette culture. De l’importance qu’elle a dans notre vie quotidienne…
Les Etats-Unis tiennent une place particulière dans vos réalisations artistiques. D’où vous vient cette affinité culturelle pour ce pays ?
Mon premier contact avec la Culture Pop est passer par les Etats Unis. Disney, Star Wars, Wahrol, Elvis, le Hip Hop… Ce sont mes bases. Mais, meme si je connais beaucoup moins bien la Culture manga cela ne m’empeche pas d’aimer beaucoup de choses qui viennent du Japon. Et la Culture européenne reste ma culture premiere… Mais les frontieres ne veulent rien dire quand on parle de ce qui nous interresse. Notre culture est un melting pot. Les ponts sont nombreux. Pour moi le trait d’Otomo est plus proche de la ligne claire d’Hergé que des animés de la Toei.
Quels sont vos projets et avez-vous un message pour les anciens téléspectateurs de « Babylone » ?
J’enchaîne les expositions, je produis énormément… A chaque jour son nouveau projet. Et je n’ai pas de message particulier. Juste une chose : restez curieux. Mais ça, je n’ai pas besoin de le dire à tous ceux qui aiment les mêmes choses que moi.
© Ilustrations « Pharaon » et « What’s up Tigre » – Numa Rod-Gil © Interview réalisée par E-mail – iletaitunefoislatele.com (mai 2015) Merci à Numa Roda-Gil pour son accueil ainsi que pour avoir accepté de répondre aux questions d’iletaitunefoislatele.com Site officiel de Numa Roda-Gil Exposition de Numa Roda-Gil au Lonzac du 14 mai au 28 juin 2015. Plus d’informations sur le site de Numa Roda-Gil